JULIUSZ DOMAŃSKI, Un discours métaphilosophique cracovien de la première moitié du XVe siècle: Matthiae de Labischin “Recommendatio baccalariandi in artibus” traduite, introduite et commentée par Juliusz Domański

Volume XVIII: 2012

Philosophy — Theology— Spiritual Culture of the Middle Ages
ISSN 0860-0015
e-ISSN 2544-1000

Résumé

Le texte latin de cette Recommandation, dont nous présentons ici une traduction polonaise commentée, est édité comme annexe d’une étude de Zenon Kałuża sur la translatio studii dans le milieu universitaire de Cracovie au début du XVe siècle (Przegląd Tomistyczny, 11, 2005, p. 125–145). Outre la traduction du texte latin, nous nous proposons d’examiner une autre dimension de la Recommandation que celle qui concerne la translatio studii, à savoir celle, alors fortement enracinée à Cracovie, qui prenait pour objet la nature de la philosophie et le rôle que la philosophie et les philosophes doivent jouer dans la formation et la vie des intellectuels chrétiens.

La Recommandation de Matthias de Labischin constitue la troisième et dernière composante d’un petit choix de trois discours du même genre, prononcés à Cracovie à l’occasion des promotions à la Faculté des arts. Tous les trois font l’éloge de la philosophie. C’est précisément ces aspects élogieux du discours qui font objet d’une reconstitution philosophique et d’une analyse métaphilosophique. Le verbum thematis du discours (Boèce, Consol., 3, XII, 1–4 : Felix qui potuit boni) introduit le thème de la félicité, lequel intéresse autant l’éthique que l’anthropologie philosophique. Ouvrant le discours sur les conditions dans lesquelles on gagne le bonheur et on le possède, il permet de regrouper les sujets abordés en quatre rubriques : (1) la vertu en rapport avec le savoir, la gloire et la philosophie ; (2) l’histoire de la pensée grecque ; (3) une réflexion sur le profit qu’un chrétien peut tirer de la connaissance des auteurs anciens, et (4) sur le vrai sens de la vie philosophique.

Les trois discours, celui de Matthias ainsi que les deux autres, publiés en edition bilingue largement commentée, partagent la même conception de la philosophie marquée par les mêmes caractères fondamentaux. La philosophie ne se limite pas à la seule recherche de la vérité et à la contemplation de l’être, donc à la seule théorie, car, en même temps, elle est considérée comme une morale réalisée dans la vie du philosophe. Suivant cette conception, le philosophe se sent obligé de vivre une vie irreprochable et de former en lui même une personnalité conforme à la recherche et la contemplation du Bien suprême qui l’occupperait au premier chef. Quant aux détails, chacune des trois conceptions se distingue par des nuances qui se laissent observer aussi bien dans le domaine théorique que dans le pratique. Grâce à ces différences, le rapports entre ces deux domaines change dans chaque discours. Chaque discours gagne ainsi sa propre personnalité.

Deux autres discours dont il est question ici, sont ceux de Luc du Grand Cosmin (Przegląd Tomistyczny, 16, 2010) et de François de Brega (17, 2011).